6 janv. 2011

LE SUCRE (1978) de Jacques Rouffio

"Le krach boursier et la spéculation immonde sur les denrées alimentaires de base, c'est depuis l'automne 2008, non ? La ruine des "petits porteurs" et le sauvetage des gros, des banques par les États, c'est aussi en 2008, me trompe-je ?"
Si vous vous posez ces questions, vous n'avez pas vu Le Sucre, un film de Jacques Rouffio qui est sorti en salles, il y a... 32 ans ! Comme quoi il ne faut pas avoir fait HEC, (dont la devise est : Apprendre à oser. Véridique ! Et comme dirait Audiard "les cons ça osent tout, c'est même à ça qu'on les r'connait"), pour anticiper brillamment sur les dysfonctionnements du système économique... En plus de cela, on se régale franchement des déboires d'Adrien Courtois (Jean Carmet), jeune retraité de l'inspection des impôts qui s'avère être un piètre gestionnaire du pactole familial dont a hérité sa femme Hilda (Nelly Borgeaud).
Les placements financiers que lui suggère Renaud d'Homécourt de la Vibraye, dit Raoul (Gérard Depardieu) et les profits à court termes qu'ils peuvent lui rapporter, lui font un peu tourner la tête à notre ancien dépositaire de la législation sur les redressements fiscaux. Un court extrait pour les gourmets :
_ Pas imposable, pas imposable... C'est vous qui l'dîtes !
_ Officiel ! Juste des p'tits coups sur des courants d'air de conjoncture...
   Vite pris bien pris, bien pris pas pris !
_ Ben y'a quand même plus-value !?
_ Plus-value... Y'a pas d'traces !...
_ Vous déclarez pas aux fisc la situation de vos clients ?
_ Mais absolument pas ! On n'est pas-tenu-de !

Car ce qui frappe dans cette œuvre pamphlétaire, c'est l'absence totale de morale. Courtois est un pigeon aveuglé par l'appât du gain, une proie idéale pour le sieur Raoul, véritable anguille et rabatteur pour l'agence spéculative de Mr & Mme Karbaoui (Roger Hanin, Marthe Villalonga) qui jonglent avec les actions et les milliards comme on abat ses cartes à la belotte tout en comptant les points.
Mais dans l'ombre c'est Grezillo (Michel Piccoli), un professionnel de la finance, qui tire les cartes et dicte à ses collaborateurs s'il y a pénurie ou abondance de marchandise. Gresillo perché sur un monticule de betteraves au début du film regarde tout autour de lui et constate :
_ Quel désastre messieurs ! La catastrophe par l'abondance, quelle chute ! Très très bas vont tomber les cours...
L'instant d'après, alors qu'il se saisit d'une énorme poignée de sucre, il ajoute :
_ Messieurs, il n'y a plus d'sucre !

Par un procédé elliptique, les scènes suivantes montrent les Unes alarmistes des journaux (joyeux perroquets) et la ruée des gens dans les grandes surfaces (Un peu à l'instar de ces fous furieux qu'on peut voir ramper sous les rideaux de fer le premier jour des soldes).
Personne n'est épargné dans cette fable prophétique, du simple quidam aux plus hauts fonctionnaires de l'État, ce sont l'égoïsme, la duplicité, la lâcheté et la bestialité prédatrice qui dominent.
Rassurez-vous, aucune rédemption n'est envisageable de bout en bout du film et si happy-end il y a, on le doit encore à une basse manipulation, un chantage dont la victime est un haut fonctionnaire...

Adrien Courtois & la hiérarchie


Adrien Courtois, Roger Karbaoui & Renaud d'Homécourt de la Vibraye, dit Raoul


"Si on ne peut faire payer les gros, nous ferons payer les petits"


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ET SI ON FERMAIT LA BOURSE !...

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