12 nov. 2010

TOURNEE de Mathieu AMALRIC

Certains films vous redonnent du baume au coeur, débarquent comme une bouffée d'air frais et vous font prendre de la hauteur tout en vous malaxant les zygomatiques... Tournée d'Amalric, c'est encore plus que cela et en sortant de la salle de projection, je me suis senti réconcilié avec certains des démons du quotidien. A chacun d'y trouver son bonheur, je sais en tout cas que ce film résonne au bide de beaucoup de gens, une vraie bonne vague chaude qui est la bienvenue dans un décorum parfois terne. L'article de la gazette d'Utopia est un savoureux hors d'oeuvre au film (à lire avant ou après en guise de dessert :-) :
"Elles portent fièrement leurs rondeurs hors du commun, leurs tatouages de bikeuses. Elles débordent de vitalité et d’une irradiante liberté… Elles affichent des noms incroyables : Mimi Le Meaux, Dirty Martini, Evie Lovelle, Roky Roulette… Des vrais noms de music hall. Pas un hasard, puisque les irrésistibles héroïnes de Tournée sont des actrices / performeuses / comédiennes multicartes de cabaret, des pointures de ce que l’on appelle le new burlesque. Un genre complet, florissant dans les années 20/30 aux Etats Unis, qui mêlait chansons, numéros humoristiques et satiriques et effeuillage polisson.
Un genre tombé en désuétude pour se réduire à sa plus simple et pauvre expression : le strip-tease, avant d’être ressuscité par la scène rock et lesbienne américaine au milieu des années 90 pour devenir un spectacle drôle et branché, notamment sous l’impulsion de personnages comme la splendide et vénéneuse Dita Von Teese.
Matthieu Amalric, particulièrement touché par un texte méconnu de Colette, L’Envers du Music-Hall, écrit à une période où les filles de joie et de la scène tenaient le haut du pavé, a réussi à intégrer cet univers dans une fiction, en utilisant de manière quasi documentaire la tournée de ces filles, une tournée que le réalisateur fit réellement organiser, devant un vrai public. Et on découvre à quel point ces filles, à la beauté incroyable mais hors des canons imposés, font preuve d’une inventivité et d’une sensualité folles, interprétant des jeux de rôles hilarants lors de spectacles portés par les musiques rock et soul que l’on aime (ah ! Le I put a spell on you ! de Screamin Jay Hawkins !)(& le Have love,will travel des SONICS alors!!!  eJo. comment !).

Un univers fondamentalement féminin où Joachim, le producteur incarné à merveille par Amalric, tout en assurance factice avec ses costards de maquereau, sa moustache virile et ses cigares, est soi-disant le chef d’orchestre mais fait bien peu le poids face à la force libre des filles qui ne manquent pas une occasion de lui rappeler que c’est leur spectacle ! Car il y a deux films en un : Tournée est aussi un hommage à la folie parfois autodestructrice des producteurs, ces gens qui osent tout, mettent en péril eux-mêmes et leur proches, se fâchent avec tout le monde pour se retrouver dans une solitude que seuls d’autres solitaires – comme les filles du New Burlesque – peuvent comprendre.
Pour renforcer cette atmosphère de puissantes solitudes hors du monde réel, qui ne peuvent trouver consolation que dans la famille du spectacle, Amalric utilise admirablement des lieux hors de l’espace et du temps. Sa tournée ne parcourt que les villes portuaires, Saint Nazaire, Le Havre, la Rochelle, ces lieux ouverts sur l’ailleurs dont on peut toujours s’enfuir. Un périple ponctué d’improbables rencontres, qui s’arrête d’aires d’autoroutes en hôtels impersonnels (vous savez, ces hôtels Accor dont les halls sont baignés 24h/24 d’une musique insipide), dont l’inhumanité est soudainement brisée par le souffle de liberté insolente que représente la petite troupe.
Tournée, film errant et libre en même temps que remarquablement maîtrisé (il n’a pas volé son prix de la mise en scène) est une magnifique claque aux préjugés, un havre romanesque où ceux qui se fuient se retrouvent pour s’aimer."




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